Hello mon Colibri,
En ce mois chargé d’histoire – que ce soit une histoire de conflit international pour le 11 Novembre 1918 (Armistice de la Première Guerre mondiale), une histoire d’argent avec la Black Friday (qui doit en faire frissonner plus d’un) ou une histoire de souvenir de nos ancêtres avec la Toussaint – le mois de Novembre est véritablement un mois de commémoration.
Mais mis à part nos amis Haïtiens, qui connait la bataille des Vertières ?
Qu’est-ce que la bataille des Vertières ?
La bataille des Vertières n’est nulle autre que l’ultime conflit mené en Haïti dans le but de rétablir l’esclavage sous les ordres de Napoléon.
Quand et où a eu lieu la bataille des Vertières ?
La bataille des Vertières s’est déroulée le 18 Novembre 1803 au Nord de l’île de Saint Domingue, près du Cap français.
Pourquoi le nom de bataille des « Vertières » ?
« Vertières » est simplement le nom du quartier dans lequel a eu lieu cet affrontement historique. Ce quartier se situe dans la deuxième ville haïtienne, le Cap-Haïtien. En 2009, le mot « Vertières » est officiellement rentré pour la première fois dans un dictionnaire, celui de l’Académie française.
Pourquoi la bataille des Vertières est devenue célèbre ?
Revenons sur les faits.
Contexte global
Nous sommes au début du XIXè siècle, la France fait partie des premières puissances mondiales. Le monde est en plein bouleversement suite à la révolution française de 1789. L’avènement de la période contemporaine avec la création de la Première République en 1792 est rapidement contrecarrée par le Premier Empire dès 1804. À ce moment, la France est un empire gouverné par le célèbre général d’armée au palmarès conséquent, devenu premier empereur des français : Napoléon I er.
Le Commerce Triangulaire
En parallèle, la vie internationale est animée par le « Commerce Triangulaire » qui est à la base de l’économie mondiale. Organisé entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique, il s’agit d’accroître les richesses de l’Europe à travers la déportation d’hommes échangés contre des pacotilles depuis le continent africain vers le continent américain où ils seront réduits à l’esclavage pour faire fructifier les « matières coloniales » (sucre, café, cacao, coton, tabac). Instauré dès le milieu du XVè siècle, au deux-tiers du XVIIè siècle, on dénombre pas moins de 859 000 déportations.
De colonie…
Au niveau européen, l’un des principaux pays acteur de ce commerce est la France. Elle est à la gouvernance de nombreuses terres dont certaines sont aujourd’hui connues sous le nom de Haïti, Martinique, Guadeloupe, par exemple.
Mais sous l’impulsion des mouvements révolutionnaires qui ont lieu en Europe à la fin du XVIIIè siècle, des échos se font ressentir dans les territoires ultra-marins que l’on appelle les colonies.
… A Nation
Dès 1791, la révolte des esclaves de Saint-Domingue aboutira à l’abolition de l’esclavage proclamé en 1794. Leur chef, Toussaint Louverture, après s’être rallié au pouvoir, est nommé général et poursuit son action en chassant les troupes anglaises venues en renfort des colons blancs. Ensuite, il gouverne l’île réunifiée de façon indépendante vis-à-vis de la France.
C’est alors qu’intervient le Premier Consul Bonaparte, arrivé au pouvoir en 1799. A cette date, il n’est pas encore empereur et ne porte donc pas encore le nom de Napoléon Ier. Déterminé à faire de la France la première puissance européenne et mondiale et dans la continuité de ses batailles victorieuses, il est contrarié par ces soulèvements dans les territoires ultra-marins. Il envoie donc des corps d’armée à Saint-Domingue et en Guadeloupe.
Il parvient à faire capturer Toussaint Louverture et le fait emprisonner en France en Juin 1802. Mais, son adjoint, le général Jacques Dessalines, au fait du sort de la Guadeloupe – défaite en mai 1802, l’esclavage y est rétabli – prend le relais et se rallie aux Français pour mieux éliminer ses rivaux, avant de se retourner contre eux. Les conflits armés se succèdent et les soldats français, malgré les renforts, sont vaincus sur le terrain et par la maladie (nombre d’entre eux ont été décimés par la fièvre jaune).
Ils capitulent le 18 Novembre 1803, au Fort Vertières. Les jours qui suivent, les garnisons françaises se rendent les unes après les autres. Au bout de six semaines, le 1er Janvier 1804, l’ex-colonie proclame son indépendance et prend le nom d’Haïti, lui redonnant son nom taïno (peuple amérindien) d’origine. C’est le premier Etat noir indépendant des temps modernes et le deuxième Etat indépendant d’Amérique.
Quelles sont les conséquences de la bataille des Vertières ?
Au moment de la proclamation de son indépendance, Haïti, aussi surnommée « la perle des Antilles » est une île riche et prospère. Pour la France, perdre « la colonie la plus riche du monde » est difficile à accepter. D’autant que ses projets d’expansion en Amérique y étaient directement liés.
La nouvelle position de la France
Suite à ce désastre, Bonaparte se détourne définitivement des questions coloniales. La position stratégique et la prospérité de la colonie de Saint-Domingue devait lui permettre de se développer aisément en Amérique. Il faut savoir qu’en 1800, un accord secret avait été signé entre la France et l’Espagne pour faire de la Louisiane – immense territoire allant de la Louisiane actuelle jusqu’au Canada, soit 22% de la taille actuelle des Etats-Unis (2 144 520 km carrés) – un territoire français. Cela devait être le lieu d’échange des marchandises produites à Saint-Domingue, devenu Haïti.
Alors, Bonaparte pris la décision de vendre ce gigantesque territoire au nouvel arrivant sur l’échiquier mondial : les Etats-Unis, créé en 1776. Avec cette transaction, il imagine que les Américains deviendront des rivaux de l’Empire britannique (avec qui il est lui-même en guerre). C’est une aubaine pour Thomas Jefferson, 3e président des Etats-Unis, la superficie du pays doublera et il écartera une importante menace européenne. Le 30 Novembre 1803, la Louisiane est donc officiellement vendue par l’Espagne à la France, qui, le 20 Décembre la céda aux Etats-Unis. Le montant de l’affaire est estimé à 342 millions de dollars actuels.
La double dette de l’indépendance
Dans la quête de son indépendance, Haïti a du payer 150 millions de francs or, soit 21 milliards de dollars actuels, autrement dit un montant 60 fois supérieur au prix d’achat de la Louisiane. Cette somme a été calculée en 1825 sur le principe d’une indemnité de dédommagement représentant « l’équivalent d’une année de revenus de la colonie aux alentours de la Révolution, soit 15% du budget annuel de la France ». Pour contraindre Haïti à signer l’accord, la France impose un blocus maritime. Le nouvel Etat doit alors emprunter des sommes considérables sur la place de Paris. On parle alors de « double dette de l’indépendance » : l’indemnité et les intérêts des emprunts.
En parallèle, l’économie du pays s’effondre, victime des années de guerre et de blocus compilées avec la chute du cours du café et les investissements dans des constructions militaires par crainte des Français. Haïti est dans l’incapacité de payer. En 1838, un accord est trouvé pour réduire l’indemnité à 90 millions, soit 17 milliards d’euros actuels. Une dette qui sera soldée en 1883. Les agios, quant à eux, ne seront fini d’être payé qu’à la moitié du XXè siècle !
Mon colibri, j’aurais pu m’arrêter uniquement au simple fait d’armes et à la victoire d’Haïti en ce 18 Novembre 1803. Cependant, il m’était difficile de m’y tenir sans évoquer le véritable résultat qui en a découlé ,avec son impact encore présent aujourd’hui, qui a notamment engendré la corruption et l’ingérence des grandes nations. Cher colibri, toutes les histoires ne sont peut-être pas bonnes à raconter mais certaines se doivent d’être connues. Et comme le disait Aimé Césaire, « une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente ».
Lina
Sans commentaires… Il y a trop de choses à dire et redire… L’histoire des Antilles est vraiment dure !!!
Oui c’est pourquoi ce travail de mémoire est important. Et puis c’est l’histoire des Antilles qui fait sa force !