Le Compas, l’ADN d’Haïti

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culture,Haïti,musique

Bonjou ti Colibri,

 

Aujourd’hui, direction Ayiti Chérie !!! Et comment ne pas s’y intéresser après avoir vu le portrait passionné de James (tu ne l’as pas vu ? Tu rates quelque chose…c’est

par ici!). Il m’a définitivement fait faire remonter Haïti dans ma liste de destinations imminentes. Et parler de Haïti sans parler de compas, c’est comme parler de pain au beurre sans parler de chocolat communion 😁 (si tu veux la référence, clique ici !). Le Compas est définitivement l’un des genres musicaux qui a bercé mon enfance (mon père étant lui-même un musicien).

Le Konpa Dirèk, ou Compas est un genre musical originaire d’Haïti inventé par le saxophoniste et guitariste haïtien Nemours Jean-Baptiste en 1957. Le Compas dérive de la famille de la méringue haïtienne et est proche du quadrille, lui-même dérivé de la contredanse française.

 

L’histoire du Konpa

Au milieu des années 1950, les villes d’Haïti, en particulier Port-au-Prince, sont le foyer d’une scène musicale florissante concentrée dans les hôtels et boîtes de nuit. De nombreux musiciens caribéens en tournée passent régulièrement par Haïti, de même qu’un certain nombre de jazzmen américains. En République Dominicaine, le merengue (cousin de la méringue haïtienne) atteint une popularité sans précédent grâce, en partie, au soutien du président Rafael Trujillo. De nombreux musiciens haïtiens grandissent en écoutant les merengue cibaeño (forme la plus ancienne de merengue). Mais c’est avec la tournée en 1954 de Viloria et son groupe Tipico Cibaeño que Haïti succombe réellement à la vague merengue. Le genre est particulièrement populaire chez les prostituées dominicaines d’Haïti qui enseignent aux hommes haïtiens comment le danser, dans les salles de danse concentrées pour beaucoup dans la commune de Carrefour.

En 1955, Nemours Jean-Baptiste forme en compagnie de son compère, le virtuose du saxophone Webert Sicot, le Conjunto International avec l’aide du promoteur et propriétaire de discothèque Jean Lumarc. Le 26 juillet de la même année, à la Place Sainte Anne, Port-au-Prince, l’orchestre donne son premier concert.

Au début, les rythmes principaux que jouaient Nemours Jean Baptiste et ses musiciens étaient  fondés sur le genre populaire Grenn Siwèl/Twoubadou. En 1957, Nemours Jean-Baptiste (avec l’assistance des frères Duroseau -Kreudzer et Richard), inventa graduellement le Compas Direct s’appuyant sur le Grenn Siwèl ayant sa source dans le Vodou haïtien. C’était la naissance de tout un genre et toute une culture musicale.

La présence des instruments à vent comme le saxophone, la trompette, le trombone pour ne citer que ces instruments, et la composition même des premiers groupes pouvant compter une quinzaine de musiciens (percussions, pianiste, bassiste et plus tard avec l’avènement des mini-jazz avec en tête le groupe les Shleu Shleu, guitariste lead et guitariste secondaire) illustrent le lien entre le Compas et le jazz. Avec la contredanse Kwaze le 8  venue du sud d’Haïti, le compas participe à la culture haïtienne. Il a connu, durant la décennie 1970-1980, un grand succès dans la Caraïbe et a donné naissance au zouk dans les Antilles françaises.

 

Caractéristiques du Konpa Dirèk

Cette pulsation rythmique “carrée” qui caractérise le konpa est renforcée par le rythme en “un-deux” de la contrebasse, sur lequel le tambour joue une variante du merengue dominicain (traditionnellement joué sur la tambora bi-membranophone). L’accordéon joue accords et arpèges (motifs joués sur les notes de l’accord) ainsi que quelques passages mélodiques. Saxophones et trompettes jouent en réponse les lignes mélodiques principales.

 

Du Konpa Dirèk au Compas digital

Vers la fin des années ’80, le style musical commence à s’essouffler, ce qui donne la parfaite occasion à Robert-Charlot Raymonvil d’introduire un nouveau concept qui deviendra un phénomène : le Compas digital ou compas « nouvelle génération ».

Suivant les traces des anciens, Robert-Charlot et son groupe Top-Vice font l’effet d’extra-terrestres mais font l’unanimité en apportant un son nouveau : un nouveau style de rythme, basé sur une présence répétitive et rythmée de la guitare avec effets, un vrai groove que les Haïtiens baptisent rapidement « le kité’l maché » (« Laissons tourner »), à tel point qu’on en oubliera l’absence de vrais percussionnistes (batterie, congas, campana) remplacés par une boîte à rythmes, un synthétiseur se substitue quant à lui à la section de cuivres traditionnelle…

Bref, une révolution dans le genre qui a eu le mérite de renouveler la base de fans en attirant un jeune public qui ne s’y intéressait plus du tout.

 

Le compas d’aujoud’hui

Le compas reste le genre musical le plus populaire en Haïti, et cela ne date pas d’hier. Les bals et les festivals ont toujours une grande affluence. Les spectacles virtuels qui deviennent monnaie courante ont toujours une audience exceptionnelle. Malgré cet intérêt, le Compas n’est aujourd’hui pas la musique favorite de la majorité des jeunes du pays qui préfèrent le Rap créole, le Rabòday, les variétés ou tout simplement la musique étrangère.

Le chanteur de T-Vice, Roberto Martino, pense savoir l’origine de l’essoufflement du compas. « À mon avis, il y a un problème à la base. L’État et les médias ne jouent pas leur rôle en bonne et due forme. L’État doit prendre des mesures afin de valoriser le compas sur le territoire. Quant aux médias, ils diffusent à outrance la musique étrangère au détriment de la nôtre. C’est inadmissible ! le compas est notre rythme, il devrait être le favori des Haïtiens. »

Autre constat, le Compas aujourd’hui est considéré comme un produit de luxe. La majorité des jeunes en Haïti vivent dans l’insécurité financière. L’admission, souvent onéreuse, des spectacles compas est pour eux hors de prix.

 

Une fois n’est pas coutume…je telaisse avec des petites vidéos musicales. La première, d’un compas ancienne génération, et la seconde, d’un compas digital.

Konpa dirèk : Tabou Combo – Mabouya

 

Vayb – Lanmou Fasil

 

Lequel préfères-tu ? Connaissais-tu le compas ? N’hésite pas à me dire tout ça dans les commentaires, et bien sûr, à partager 😉 !

 

Lina

 

 

📚 :

Peter Manuel, Musics of the Non-Western World, p. 74, Chicago University Press, 1984.

Le Nouvelliste, Haiti, 27-07-2020

http://www.lameca.org/publications-numeriques/dossiers-et-articles/konpa-la-musique-populaire-en-haiti/4-les-origines-du-konpa-et-de-la-kadan/

https://ayibopost.com/pourquoi-le-compas-nest-pas-la-musique-preferee-des-jeunes-en

Tags :

haïti, musique

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4 Responses

  1. Merci pour ce sujet car j’aime beaucoup la musique haïtienne et dès que l’occasion se présente pour en apprendre plus, je suis preneuse.
    Dommage je n’ai pas pu écouter la version ancienne qui nest pas disponible…..
    Les 2 sont bien mais sans hésitation je préfère l’ancienne 🙂

    1. Merci pour ce retour. Effectivement, il y a deux écoles, et j’avoue qu’entre les deux, mon coeur balance 😄 … L’ancien compas me rappelle particulièrement les sessions ménage du dimanche matin, lorsque ma mère se déhanchait sur les différentes chansons balai en main 🤣 C’est sûr que ça motive

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